vendredi 3 février 2012

El Jebha- Ketama 74 km

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El Jebha- Ketama en passant par le col de Bab Besen à 1600m d'altitude.

Je me suis réveillé cette fois vers 5h du matin au lieu de 6h comme je l’avais fait pour les étapes précédentes. Une heure de plus pour cette étape montagneuse, c’est très utile.

J’ai quitté la chambre doucement et sans faire de bruit pour ne pas réveiller mes compagnons, j’ai fait descendre ma BMW la première puis je suis monté chercher la sacoche de vélo. Dans le café qui se trouvait au rez-de-chaussée de l’hôtel j’ai trouvé le garçon en train de nettoyer et d’arranger les tables et les chaises, je lui ai demandé un verre de café au lait avec deux petits pains et il m’a dit d’attendre un peu à fin que la machine à café se réchauffe. Au moment où le garçon préparait mon petit-déjeuner, j’ai arrangé ma sacoche, j’ai rempli deux bouteilles d’eau de robinet pour m’arroser sur la route, car je savais d’avance que cette étape me causerait beaucoup de souffrances.

Après le petit-déjeuner et précisément vers 6h j’ai quitté El Jebha par la route du Sud-est qui mène directement à Ketama à l’Est et Chefchaoune à l’Ouest. Au début la route longe le lit d’une rivière qui descend des montagnes qui se trouvent en face de moi. Rouler dans le sens inverse du courant d’eau d’une rivière cela veut dire que la pente de la route se monte. Après 5 km la pente devient de plus en plus très dure.

« Elle monte, elle monte la route de Ketama dans les montagnes du Rif, par référence à la chanson de Michel Sardou « elle court, elle court la maladie d'amour. Dans le cœur des enfants de 7 à 77 ans. Elle chante, elle chante la rivière insolente ... ».
Durant cette étape je n’ai pas cessé de chanter des chansons des groupes marocains: Nass Elghiwane, Jil Jilala, El Mechahbe; ce sont mes groupes préférés depuis l’enfance, en plus des chanteurs marocains de la chanson contemporaine : Abdelhadi belkhayat et Abdelwahab doukkali, sans oublier les frères Migri et la chanson populaire marocaine, bien sûr, que j’aime beaucoup aussi. J’ai épuisé tout mon répertoire sans que la montée n'ait disparu ou bien n'ait diminué.
"Le vélo, en faire c'est facile, mais dès que ça monte on voudrait bien en descendre !"

Les cols qui se trouvent près de la mer sont en général très durs, le pourcentage de la pente dépasse parfois le 10% et ils ont un dénivelé plus élevé que les cols qui se trouvent loin de la mer.

La circulation sur cette route entre El Jebha Et Ketama est presque inexistante ; peu de voitures, les taxis sont rares et pour les autocars, il n’y en a pas aucun.
En pleine montée un automobiliste qui était dans la descente, s’est arrêté à côté de moi et il m’a crié de la fenêtre « Mais où vas-tu ? » je lui ai répondu « Je monte vers le ciel » il a éclaté de rire et m’a dit « Allah Yaounk » traduction « Que Dieu t’aide ».

Sur cette route il y avait peu de monde auprès de qui je pouvais me renseigner. A quelques kilomètres du village d’El Had, j’ai rencontré un jeune garçon et je lui ai dit « Est-ce que c’est la fin de la montée ici ? » il m’a répondu « Ici c’est le début de la montée » et il a ajouté avec un rire ironique « Devant toi, il y a un mur ! ».

Le paysage sur cette route est superbe avec de la montagne, des vallées et de la verdure malgré l’été, sans oublier les champs de Kif qui se trouvent partout ; aux pied et aux sommet des montagnes, près des maisons, près des rivières et au bord de la route aussi. Le Kif dans cette région c’est la plante numéro 1.

Au village d’El Had, j’ai fait une longue pause dans un café, j’ai demandé une limonade et un paquet de biscuits et je me suis assis sur la terrasse pour contempler la montagne surtout celle qui se trouvait encore devant moi.

Après la pause, j’ai pris la route doucement jusqu’au croisement de cette route avec la route nationale qui relie la ville de Chefchaoune à la ville de Ketama. A ce croisement, il y avait quelques cafés-restaurants et deux ou bien trois épiceries, la plupart de ces restaurants proposaient des sardines grillées, alors j’ai pris une grille avec de la salade, j’ai mangé un peu et j’ai mis le reste dans ma sacoche, car je n’avais pas voulu remplir mon ventre et la montée était encore devant moi.

Après le déjeuner j’ai pris la route, cette fois la pente était moins dure et la route était roulante, à 20 km de Ketama j’ai franchi le col de Bab Besen qui se trouve à 1600m d’altitude au milieu de la forêt de cèdres. La traversée de ce col a été une vraie délivrance pour moi, après une très longue montée depuis la ville d’El Jebha où j’ai beaucoup souffert à cause de la pente qui dépasse parfois les 10 % et à cause aussi de la chaleur. Après le col, il y a que du plat et de la descente avec de la forêt de cèdres à gauche et à droite de la route jusqu’au Ketama, mais le seul point noir sur ce passage, c’était les vendeurs de Kif et de Haschich qui se trouvaient au bord de la route et qui essayaient par tous les moyens de vendre leur camelote. Au début je n’ai pas fait attention, mais avec le temps et les kilomètres j’ai pu deviner qui étaient ces « Anges de la route ».

A Ketma j’ai pris une chambre dans un hôtel qui se trouve au centre-ville au prix de 40 DH la nuit, mais au moment de mon arrivée il y avait une coupure d’eau dans toute la ville, heureusement le garçon de l’hôtel m’a dépanné avec un seau bien rempli d’eau tiède. Ce garçon, qui servait dans le café qui se trouvait au rez-de-chaussée et qui était aussi responsable de la réception de l’hôtel, m’a rendu beaucoup de services et il a été très gentil avec moi et c’est lui qui m’a convaincu de faire le retour d’Oujda à Kénitra à vélo, car en parlant avec lui du parcours de mon voyage, je lui ai dit « J’ai l’intention d’aller jusqu’à la ville d’Oujda dans l’Est du Maroc et de cette ville je prendrai le car pour faire le retour à Kénitra » et lui il m’a répondu « Ne le fais pas, essayez de retourner à ta ville à vélo. Croyez-moi si tu ne le fais pas, tu vas regretter ça toute ta vie».

Après une heure de repos, j’ai voulu sortir pour faire une visite dans la ville comme je le faisais toujours après chaque étape, mais cette fois ce gentil homme (le garçon) m’a appelé près de la porte de l’hôtel et il m’a dit « Ne part pas loin. Ici, c’est très dangereux pour les étrangers comme toi » je lui ai répondu « Je voudrais seulement aller manger et faire mes prières dans une mosquée » il m’a dit « Si tu veux manger, il y a un restaurant près d’ici et pour tes prières il y a une mosquée en face de l’hôtel », et il a ajouté pour me persuader « Ici, il y a beaucoup de crimes et d’agressions ».

Ketama, c’est la capital du Kif au Maroc et toutes les personnes qui ont une histoire avec la justice viennent dans cette ville pour travailler dans la culture ou bien dans le trafic de cette plante et ça se voit; par exemple à l’entrée de la ville j’ai rencontré plusieurs Bznaza « vendeurs de kif et du haschich » il y a même un Bznaz « trafiquant » qui a essayé de me faire un arrêt par la force en venant devant moi au milieu de la route, heureusement à la dernière seconde il s’écartait de la route.

Après avoir fait mes prières et mangé un peu, je suis retourné au café de l’hôtel et j’ai pris un verre de thé et chaque fois que mon ami et mon ange gardien « le garçon » avait du temps libre, il venait s’asseoir près de moi. Nous avons parlé de beaucoup de choses: de la région de Rif, de Ketama, de mes voyages à vélo et surtout nous avons beaucoup parlé du Kif et il m’a dit « ici le kif se vend plus que du pain » et ça se voit aussi dans le café où nous étions, il y a que l’odeur du Kif et dans chaque table je voyais du Sebsi qui circulait entre les mains, même sur la terrasse qui occupait une grande place sur le boulevard. Fumer du Sbesi (une pipe made in morocco pour fumer le Kif) dans les autres villes du Maroc en plein public est interdis par la loi. Ici, par contre il n’y a personne qui pouvait interdire ça, et le fameux Sbesi on le voyait partout. Vraiment je n’avais pas aimé cette ville du tout et s’il n’y avait pas ce Garçon de l’hôtel qui m’a beaucoup aidé et qui m’a donné de son temps, je l’aurais quittée dans un Taxi ou bien en autocar pour aller à la ville Targuist qui se trouve à 40 km d’ici sur la route d’El Hocima.

Vers 21h je suis monté dans ma chambre pour dormir le plus temps possible après une étape 100% montagneuse du départ d’El Jebha jusqu’à l’arrivée à Ketama et c’est l’une des étapes les plus dures de ce voyage dans le Nord du Maroc.
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De la montagne et des champs de Kif au bord de la route ; c'est ça le paysage de cette route entre El jebha et Ketama.

Ces deux photos je les ai téléchargées du web seulement pour montrer le paysage sur cette route, car les photos que j'avais prises durant cette étape ont été endommagé et c'est ça le plus grand inconvénient des anciens appareils à pellicule et comme je l’ai dit avant, mon seul regret durant tout ce voyage c’est de ne pas avoir eu un appareil numérique.

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Une photo prise par un motard qui s'était arrêté avec ses collègues pour s'approvisionner un peu d'essence "Haschich", car après le col de Bab Besen il y a eu plusieurs vendeurs au détail de Kif et de Haschich au bord de la route.
NB: la voiture qui se trouve derrière moi sur la photo appartient aux "Bznaza" trafiquants. Sur ce passage entre le col de Bab Besen et Ketama il y a deux sortes de trafiquants: les motorisées et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers sont postés sur le bord de la route et semblent faire du stop en n'hésitant pas à brandir de véritables bouquets de Kif au cas où vous n'auriez pas compris.

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Au moment où j’écrivais ces lignes, les autorités marocaines ont décidé de changer le nom de cette ville et ils l’ont nommé Issaguen, car le nom de Ketama était automatiquement lié à la culture du Kif et où trafic de cette plante dans la région du Rif. Ce changement de nom correspond à la volonté du roi Mohamed VI de créer un véritable pôle urbain dans cette petite localité, un des éléments du projet de développement de la région rifaine.

J’espère qu’un jour je retournerai dans cette ville et la trouver très « Propre », car c’est une ville qui a des atouts touristiques extraordinaires, mais malheureusement ils sont mal exploités. Voir des dizains de Trafiquants « Bznaza » au bord de la route et à l’entrée de la ville qui essayent par tous les moyens de vendre leurs marchandises, vraiment c’est honteux pour l’image de la région et l’image Maroc en général. Personnellement en voyant ça, je me croyais en Colombie ou bien au Mexique. Et si on laisse ces « personnes » travailler tranquillement, c’est sûr que le Maroc va devenir comme ces pays-là.
« Là où il y a de la drogue, il y a toujours danger».

JEBAL RIF "Les montagnes de Rif" chanson de Saida Fikri.

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